Ce que l’ont apprenait parfois à l’école !
Moi je l'aimais bien M. G mon instituteur du cours élémentaire 2ème année.
C'était un homme entre 40 et 50 ans . Je le revois encore avec ses lunettes a grosse monture noire et épaisse, des années cinquante et sa coiffure avec la raie sur le coté gauche.
M. G était un homme qui ne criait jamais trop fort qui ne grondait pas trop, je ne me souviens pas l'avoir vu lever la main sur quelqu'un, et n'allez surtout pas croire pour autant que le bordel régnait sur notre classe, pas du tout, M. G savait gérer son autorité sans trop élever la voix, peut être avait il un ascendant sur nous, parce qu'il nous rappelait un peu nos pères ,par son âge
et sa physionomie.
Mme G avait a peu prêt le même âge que son mari pratiquait le même métier et professait a l'école des filles. Elle restera dans mon souvenir, comme une des premières femmes a qui j'ai vu porter le pantalon (on n’évoluait pas trop vite à Moulinvile).
Un après-midi printanier, M. G nous avait sorti pour notre gymnastique hebdomadaire.
Je n’aimais pas trop le cours de sports, avec tous ses mouvements stupides et ennuyeux, mais cette foi nous avons coupé par l'école des filles et sommes sorti du coté du cimetière israélite, c'était donc un cours en plein air et c'était déjà mieux.
Main dans la main, deux par deux, notre joyeux groupe avançait allègrement en chantant des chansons enfantines.
Nous faisions en général nos compétitions au champ de course, mais nous l'avions traversé sans nous y arrêter, une lueur d'espoir s'alluma en moi.
Que l'instit nous sorte en plein air c'était déjà un cadeau, mais qu'il nous emmène a la plage de la poudrière c'était inespéré.
C'était pourtant vrai, deux minutes plus tard nous y étions.
Notre éducateur, nous avait groupés devant une cabine, où se tenait déjà comme par hasard une dame encore assez jeune, élégamment vêtue.
Habillée avec goût, elle portait une légère robe d'été bleu ciel qui mettait en valeur sa taille fine et ses longues jambes galbées. Je dirai d'une élégance raffinée, mais pas trop commode comme tenue de plage.
Ensuite il nous avait partagé en 6 équipes de 6 élèves et avait désigné pour chacune un chef et cela pour un concours du plus beau château de sable.
--Dans une heure je viendrai inspecter, avait dit celui qui était a mes yeux l'homme du jour .,et il s'en alla rejoindre, la dame qu'il semblait connaître, pour nous surveiller à partir de la terrasse de la cabine.
Désigné comme chef d’équipe, je pensais déjà a bâcler notre château, pour aller ensuite aller chercher des crabes et des coquillages.
Une trouvaille, me fit pourtant changer d'avis. Une planche d'environ 30 cm sur 10, avait été oubliée sur le sable.
Entre mes mains elle devint à fois bulldozer pour pousser le sable, battoir pour le tasser, et règle pour faire des tours bien droite.
Mon château s'érigeait très vite, dans mon enthousiasme, je ne fis même pas attention que mes coéquipiers m'avait laissé travailler seul.
J'avais terminé mon château et j'avais encore assez de temps pour l'entourer d'une belle tabia, de creuser autour un profond fossé, toujours avec ma planchette, qui à la fin des travaux était devenue, le traditionnel pont-levis des châteaux forts.
Quand j'ai enfin levé les yeux pour voir ou en étaient les concurrents, j'eus la stupéfaction de voir tous les autres chantiers déserts et les châteaux étaient a peine commencés.
Je cherchais encore a comprendre quand un élève, était venu me chercher .
_ Viens Freddy on n’attend que toi.
Je l'ai suivi sans comprendre pour rejoindre le reste des élèves qui étaient déjà alignés en deux rangs derrière la cabine, il ne manquait que moi.
, Nous reprîmes la route vers l'école et moi Je comprenais de moins en moins. j'avais lancé un dernier regard d’adieu, a mon beau château demeuré seul. Un chien famélique l'avait trouvé a son goût et avait levé la patte arrière pour le confirmer.
Le chemin du retour se fit sans les joyeuses chansons de l’allée.
Arrivés en classe avec trois quarts d'heure d’avance, M. G nous fit faire du calcul mental , jusqu'à la sonnerie salvatrice de la sortie .
Ce qui se passa réellement ce jour, je fus le dernier à le savoir, mais je le sus quand même.
M. G nous surveillait a partir de la terrasse de la cabine, en conversant avec la belle dame, sans savoir qu'il était surveillé lui même.
Quand il crut les enfants assez occupés, il entra dans la cabine, son interlocutrice l'avait rejoint et la porte s'était refermée.
Après quelques minutes les premiers audacieux, c'était les plus grands, ont lancé un furtif regard par le petit hublot a l'arrière de la cabine, ce qui s'y passait n'avait rien de pédagogique.
D'autres les ont imité, puis d'autres encore et encore, en fin de compte, tout le monde y était et se bousculait, les plus petits se faisaient la courte échelle.
Évidement un tel remue ménage ne passe pas inaperçu même par des personnes fort occupées.
L'instit en sortant voire ce qui se passait a trouvé le quasi totalité de la classe derrière la cabine.
La suite vous la connaissez.
Cette réalité, n'a pas altéré en un rien mon respect pour M. G.
Peut êtres n'aimait il pas les femmes en pantalon, c'est son affaire.
Je lui reproche seulement, de ne pas avoir jeté au moins un coup d'œil a mon beau château.
Enfin, si j'ai des conseils a lui donner ,( je ne crois pas qu'il en a besoin aujourd'hui)et a ses semblables , . c'est Discrétion, discrétion, encore discrétion, et de ne pas prendre les enfants pour des C... ou des innocents, un seul sur 36 l'est vraiment (et il a fallu que ce soit moi).
Glossaire
Tabia : En Tunisie, petit rempart de terre élevé en général pour séparer les propriétés.